Winter is coming
Guillaume Lavenant
L’envers du décor
Résidence Winter is coming au Canal
du 7 au 9 mars 2022
Compagnie Théâtre des Faux-Revenants
Rencontre avec Guillaume Lavenant, auteur et metteur en scène
Winter is coming raconte la vie de trois étudiants : leurs révoltes face à la société, puis leur entrée dans l’âge adulte, et leurs renoncements. Pourquoi ce thème ?
Je suis parti d’une idée poétique : cette tempête de sable qui vient du désert et qui arrive en région parisienne. En suivant cette histoire de sable, c’est arrivé sur la fenêtre d’un étudiant. Les choses sont nées vraiment en écrivant. Je ne me suis pas dit « Tiens, je vais écrire sur la jeunesse... » D’ailleurs, quand j’essaie de travailler comme ça, ça ne fonctionne pas vraiment ! Il se trouve que l’on écrit sur des choses qui nous sont proches, des thèmes qui nous sont un peu chers. Et c’est un âge que je trouve assez émouvant pour ces questions-là. Je sens qu’on a encore tous encore des parts adolescentes en nous, et petit à petit, l’adulte a pris le pas dessus... alors comment s’est construit l’adulte ? Il y a aussi dans ces âges-là quelque chose qui est assez brut et assez beau, et à la fois maladroit et pas toujours très adapté à la société adulte, que je trouve assez beau. Quelque part, quand on fait du théâtre, on retrouve quelque chose qui est de l’ordre de la jeunesse, de l’amusement, de cette énergie-là. Donc je n’ai pas choisi de faire un spectacle sur la jeunesse, mais le thème s’est imposé à moi dans l’écriture : j’ai créé un jeune homme, puis ses deux amis. J’ai commencé à créer des scènes à eux trois, et petit à petit, j’ai ajouté des figures adultes : des profs, la famille... ce qui m’intéressait, c’était de voir à quel endroit il y avait conflit. Quand on est jeune, on est complètement en dehors des réalités du monde adulte, du monde professionnel, du monde universitaire. Ou plutôt, on commence à être pris dedans, mais on a encore une liberté par rapport à ça. Et petit à petit, on apprend à rentrer dans la société. Qu’est-ce qu’on y perd, qu’est-ce qu’on y gagne ? C’est cette question qui m’intéresse. Apprendre à se fondre dans le cadre que propose la société. Apprendre à désirer un métier. Qu’est-ce qui fait qu’on a envie de faire tel métier ou tel autre ? Comment font les jeunes qui ont envie de réinventer les choses, de bouger le cadre de la société ? Mais chaque génération ne bougera jamais autant le cadre qu’elle aurait voulu le faire...
Dans le spectacle, on perçoit la différence entre les aspirations « matérielles » de la génération des parents, qui poussent leurs enfants à obtenir un travail, un appartement... et la génération des enfants, qui eux sont plutôt dans la remise en cause du cadre que la société leur impose. Selon toi, cela est-il propre à notre époque, ou est-ce finalement un questionnement qui traverse chaque génération ?
Ça vient questionner ce changement qui s’opère quand on devient parent : le but c’est que notre enfant soit heureux, et éduquer un enfant, c’est faire en sorte qu’il acquière une autonomie, qu’il s’adapte, qu’il trouve un emploi correctement rémunéré pour qu’il n’ait pas à trop se préoccuper de sa situation matérielle, qu’il fonde lui-même une famille, car c’est le schéma socialement attendu. Il y a tout un tas d’attentes qui se mettent en place à l’âge adulte quand on a des enfants, et qui crée cette différence entre la jeunesse et les adultes. La perspective change complètement quand on a des enfants, et quelque part, cette société qu’on avait voulu remettre en cause, parce qu’on était nouveaux, qu’on arrivait dedans, que c’était quelque chose qu’on nous imposait, qui était massif et qu’on n’avait pas décidé, eh bien on a finalement été formés non seulement à accepter les codes, mais à les transmettre ensuite. Et on retransmet donc nous-même cette pression sociale, puisqu’on a envie que son enfant soit adapté socialement, qu’il ne soit pas en marge, que ça ne le rende pas malheureux. Donc ça questionne aussi la liberté : veut-on des enfants libres, ou des enfants adaptés ?
Le propos est très ancré dans l’époque, et dans la mise en scène, on retrouve des éléments très contemporains, comme l’usage du téléphone portable en guise de source lumineuse...
C’est une manière d’ancrer la pièce dans le contemporain. En fait nous n’utilisons pas des téléphones, mais des pads-leds. Les comédiens les utilisent pour s’éclairer alors qu’ils sont plongés dans le noir, on voit donc uniquement leur visage, et ça crée des images intéressantes. Les pads-leds sont des outils qu’on peut régler en intensité, et dont on peut modifier la colorimétrie. Ainsi, à un moment, le spectateur croit que ce sont des téléphones, à un autre, les pads-leds reproduisent la luminosité de bougies, ce qui permet d’avoir une lumière de type « tableau d’époque en clair-obscur ».
Le sable est un élément fort du thème et de la pièce. Comment cela se traduit concrètement dans la mise en scène ?
Le sable est en effet quelque chose de récurrent dans le texte. On parle du désert, de ce sable que le vent a amené du Sahara jusqu’en région parisienne... pour ce qui concerne la mise en scène, il y a notamment cette scène du sable qui tombe sur la bouteille de bière. J’ai eu très tôt en tête cette image d’un objet du quotidien recouvert par quelque chose de très poétique, qui illustre le contraste entre le quotidien du personnage et son imaginaire poétique.
La première du spectacle a lieu jeudi 10 mars. Nous vous avons accueilli en résidence au Canal pendant trois jours auparavant. Sur quoi avez-vous travaillé précisément ?
Le spectacle a été créé il y a plus d’un an, en période covid. C’est un spectacle complexe, car il y a beaucoup de manipulations techniques. On avait absolument besoin de prendre un temps de résidence technique pour tous ces ajustements. On a ainsi pu peaufiner le son, la lumière, et surtout s’adapter à l’acoustique de la salle : entre le volume du son qu’on envoie, le volume des voix des comédiens... il faut trouver le bon équilibre. Cela dépend vraiment de la salle, et demande du temps pour le réglage. L’objectif est que le spectateur se sente très confortable de ce point de vue-là pendant le spectacle !
Spectacle en partenariat avec Le Grand T, Théâtre de Loire-Atlantique
DISTRIBUTION :
Avec : Philippe Bodet, Maxime Bonnin, Bertrand Cauchois, Gaëlle Clérivet, Florence Gerondeau,
Texte, mise en scène et voix off : Guillaume Lavenant
Dramaturgie et scénographie : Lise Abbadie
Costumes : Cristina Barrios
Stagiaire costumes : Olive Péchereau
Création lumière : Julien Jaunet
Création sonore : Blandine Brière
Musique : Carla Pallone
Création vidéo : Vincent Pouplard
Régie son et vidéo : Hervé Launay
Construction décor : Atelier du Grand T
Administration de production : Élisabeth Lamy
Production, diffusion : Fanny Gateau