Canal Théâtre
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PAPANG

Cie Rouge Bombyx

L’envers du décor
Papang – Sandra Nourry – Cie Rouge Bombyx
Résidence de création au Canal

du 28 novembre au 9 décembre 2022
Rencontre avec Sandra Nourry (autrice, metteuse en scène, scénographie, construction de marionnettes)

 

Sandra Nourry

 

Sandra, peux-tu nous présenter Papang, le nouveau spectacle de la compagnie Rouge Bombyx?


C’est un spectacle de marionnettes destiné à un public à partir de 8 ans, et qui parle d’une petite fille qui part sur l’île de La Réunion, à la recherche de ses origines. La marionnette qui la représente a des trous, comme un puzzle incomplet. Au fur et à mesure de son voyage, elle va trouver des bouts d’elle-même qui correspondent à l’histoire de sa famille, de ses ancêtres. Comme dans les contes, c’est un peu un voyage initiatique : lors de son périple, elle va grandir, et c’est ce qui va lui permettre de remplir ces parties manquantes d’elle-même.

 

PAPANG

 

En quoi ce projet a une résonance toute particulière pour toi, à titre personnel ?


En regardant des photos de famille, je me suis vue, petite, dans les bras de ma grand-mère, qui a une couleur de peau très foncée. Du côté de mon père, dans cette famille réunionnaise, il y a treize enfants, et personne n’a la même couleur de peau. Dans ma génération, nous avons la peau blanche, alors que mes oncles et tantes ont la peau plus foncée. J’avais envie de parler de la couleur de peau, du métissage, d’où l’on vient, et comment cela se voit sur nous – ou pas… c’est une question intéressante à travailler avec un public d’enfants.
J’avais aussi envie de parler de La Réunion, dont on connaît parfois mal l’histoire en métropole. Ce territoire d’outre-mer, à la fois département et région, a été traversé par la colonisation et l’esclavage. J’ai fait des recherches généalogiques sur ma famille réunionnaise, et j’ai découvert que j’étais autant descendante d’esclaves que de « marrons » (les esclaves qui se sont enfuis dans les hauteurs), mais aussi de colons. Cette histoire très riche n’est pas si lointaine de nous, et peut concerner beaucoup de gens.

 

Parmi les thèmes que tu évoques, il y a des sujets assez complexes (la lignée, la colonisation, l’esclavage…). Dans ce spectacle, tu as choisi de t’adresser à un public jeune, voire très jeune. Comment fait-on pour aborder ces sujets avec un public d’enfants ?


Déjà, par le support de la marionnette, car il permet de porter et de projeter beaucoup de choses : la marionnette peut voler, mourir, ressusciter… c’est infini ! Il manque quatre morceaux à notre marionnette, et elle va tenter de retrouver ces parties d’elle-même lors de son voyage. Donc à la fois visuellement, et à travers une histoire, le personnage évolue. Cette idée de « puzzle », ça parle de quelque chose aux enfants.
Ensuite, la vidéo permet de faire passer beaucoup de choses. Par exemple, dans cette mise en scène, la figure de l’esclavage est incarnée, comme une entité fantôme, au travers de la vidéo.

Enfin, pour parler de l’esclavage et du métissage, je me suis inspirée de la structure narrative des contes, dans lesquels le héros réalise un voyage initiatique : en rencontrant une série de personnages qui lui apprennent de nouvelles choses, il peut avancer, et progresser dans sa quête.


La compagnie Rouge Bombyx est spécialisée dans le travail des marionnettes. Quels matériaux et quelles techniques utilisez-vous pour les créer ?


Ce sont des marionnettes portées, type « bunraku », qui souvent sont animées par deux ou trois personnes. Elles ont un contrôle dans le dos qui permet de tenir la marionnette. Leur « squelette » est fait de bois et de métal. Elles sont assez sophistiquées dans le sens où elles ont les mêmes articulations que nous : épaules, coudes, mains, jambes… Leur tronc est en mousse et en bois. Les pieds, mains et têtes sont modelés en argile, puis on en fait un tirage. Ce tirage nous permet ensuite de faire des marionnettes en papier de soie. Il y a énormément de couches de papier, pour les durcir.
 

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Nous avons d’ailleurs beaucoup utilisé de papier sur la scénographie de ce spectacle : du papier kraft, du papier de soie, du carton, beaucoup de papier de récupération… parce que pour travailler, on est partis de la thématique de l’arbre : l’arbre généalogique, l’arbre qui donne du papier… c’était important de retrouver ce matériau-là dans des éléments de scénographie, de décor, dans des accessoires. L’arbre est présent à la fois dans le sens et dans la forme.

 

Rouge Bombyx est une compagnie basée à Redon, qui fait partie de La Dynamo. Peux-tu nous en parler ?


La Dynamo est un collectif de 4 compagnies de marionnettes : It’s Tÿ Time, On t’a vu sur la pointe, Drolatic Industry et Rouge Bombyx. Nous sommes basés à La Bank, l’ancienne Banque de France à Redon. On y travaille et on fait des visites guidées de l’exposition qui change en fonction de nos créations. Chaque compagnie peut y présenter des petites formes. C’est aussi un lieu de recherche : on a créé un groupe qui s’appelle l’OUMAPO (« OUvroir de MArionnettes POtentiel »), et qui, sur le principe de l’OULIPO, est consacré aux marionnettes… et c’est a priori le premier qui existe au monde ! (rires). On essaie de se réunir une fois par mois pour se donner des contraintes de création, avec de la marionnette, et on se laisse porter par ces contraintes pour inventer.

On organise tous les ans un festival de la marionnette, « Le Printemps des Puppets ». 2023 sera la troisième édition. On y travaille en binômes, en mixant les compagnies, et en essayant de faire travailler ensemble des personnes qui n’ont jamais eu l’occasion de le faire. Ces binômes se retrouvent pendant 5 jours dans des écoles, avec certaines contraintes, c’est-à-dire que l’on découvre tout le premier jour : avec qui on va travailler, quel est le texte, quelles sont les matériaux ou les marionnettes... Deux personnes de La Dynamo ne font pas partie des binômes mais sont des « maîtres de cérémonie » : elles donnent les contraintes et font le lien dans les écoles. En effet, tous les jours, dans ces écoles, il y a des « petites souris », des élèves, qui viennent voir comment on travaille, comment on progresse, et qui se prêtent eux aussi au jeu des contraintes. Pendant le week-end, on fait deux représentations publiques au P’tit Théâtre Notre-Dame, version « parcours de spectacle » : le spectateur est aussi dans la complicité, car il apprend quelles ont été les contraintes de chaque binôme de création et découvre le résultat. La prochaine édition du festival aura lieu les 17 et 18 juin 2023.


Pour la création du spectacle Papang, nous vous avons accueillis en résidence au Canal à deux reprises : une semaine fin 2021, puis 10 jours fin 2022. Sur quoi avez-vous travaillé précisément pendant cette seconde période de résidence ?


C’était notre avant-dernière résidence, et on s’est concentrés surtout sur la fin du spectacle que nous n’avions pas encore travaillée suffisamment. On a aussi consacré beaucoup de temps à la vidéo, qui est exigeante techniquement. On a fait venir le compositeur de la musique de Papang pendant deux jours, pour coordonner le jeu et la musique. Nous avons également eu la présence de Gilles Debenat, qui est, sur ce projet, regard extérieur et conseil en animation des marionnettes, on a donc perfectionné ensemble le jeu et l’animation. Et enfin, on a travaillé les lumières. Ça a été un programme intense !

 

Merci Sandra !
Propos recueillis le 1er mars 2023


La compagnie Rouge Bombyx, basée à Redon, est née d'une rencontre artistique entre Sandra Nourry, marionnettiste et éclairagiste, et Cristof Hanon, marionnettiste et constructeur. Ils ont créé ensemble des spectacles en rue, en intérieur, réalisé des projets avec des amateurs.

Dans le cadre de l’éducation artistique et culturelle, ils ont également effectué des résidences en milieu scolaire en partenariat avec Le Canal, à l’école Saint-Melaine de Lieuron et à l’école Sainte-Anne de Bruc-sur-Aff (années scolaires 21-22 et 22-23).

 

 

Création automne 2022

 

Une petite fille prend l’avion pour aller à la Réunion.

Elle retrouve là-bas sa grand-mère paternelle qu’elle ne connaît pas.

Elle s’interroge. Sa grand-mère a la peau très foncée… elle, elle est blanche. Elles ont la même façon de marcher. Elle se gratte la gorge comme elle avant de parler. Comment peut-on être si différentes et se ressembler autant ? Comment peut-on être de véritables inconnues et se sentir proches en même temps ? Elle veut comprendre.

Qui est cette famille ? Quelle est l’histoire du sang qui coule dans ses veines ?

Sa grand-mère lui confie une mission : emmener sa tortue dans un endroit secret de Mafate.

 

Son voyage amènera la fillette à se rapprocher d’une partie de sa famille, de ses aïeux. En quête de ses origines, de la moitié d’elle-même qui lui est étrangère, elle réussira à remplir la « partie flottante » en elle.

A cette généalogie se mêle l’histoire de l’île : l’esclavage, le métissage, les différentes croyances et religions, la forêt primaire et ses « créatures ».

En allant à la recherche de ses racines, petit à petit des liens se tissent, une histoire se reconstruit et se renforce.

C’est un voyage initiatique.

 

« L’histoire de La Réunion… est liée aux grands mouvements du monde et en même temps différente, typiquement « réunionnaise » dès ses premières pages. Elle est en quelque sorte « un roman des racines » qui plonge toujours plus loin et plus profond qu’on ne l’imaginait au premier regard… » Daniel Vaxelaire - "Le grand livre de l’histoire de la Réunion."

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